La Cour pénale internationale et le chauvinisme effronté des dirigeants africains

14 octobre 2013

La Cour pénale internationale et le chauvinisme effronté des dirigeants africains

Depuis le Traité de Rome et l’établissement d’une Cour pénale internationale à La Haye en 1992, entrée en vigueur en 2002, a vu le jour une autorité internationale a compétence sur les crimes de masse tels que les génocides, les crimes contre l’humanité. Un  « Jus Post-bellum » qui pose et règle la problématique juridique des suites d’un conflit donné notamment les sanctions pénales contre les auteurs de crimes, de génocide… Depuis un certain temps, la Cour pénale internationale fait l’objet de nombreuses critiques venant de dirigeants qui ont le mérite de partager un point en commun : pour la majorité, c’est d’avoir marché sur des cadavres pour accéder à la magistrature suprême.

Déjà à l’occasion du 50e anniversaire de l’Union, à AddisUA2013-Abeba, chantre du panafricanisme le ton était donné. Aucune tribune n’aurait été plus symbolique. Certains chefs d’Etat africains avaient dénoncé urbi et orbi le déséquilibre de la balance judiciaire de la Cour pénale internationale. Ce vendredi 11 octobre 2013, c’est en sommet extraordinaire qu’ils se sont réunis pour discuter d’un éventuel retrait en masse de la Cour  pénale internationale qui, finalement a abouti à une résolution demandant la suspension des poursuites notamment contre les présidents en exercice Oumar El Béchir, Ururu Kenyatta et William Ruto, le vice-président du Kenya , alors qu’une résolution de la même texture avait déjà été adoptée le 23  mai dernier par le Conseil exécutif de l’Union africaine. Tout ce tapage pour faire du has been. Alors qu’il serait à la fois urgent et vital de tenir un conseil extraordinaire sur le flux migratoire des jeunes Africains qui meurent en ce moment dans les eaux froides de Lampedusa et de l’Ile de  Malte, victimes de la politique économique de leurs dirigeants respectifs. C’est l’Occident qui s’indigne à leur place !

D’emblée il faut préciser que la Cour n’agit qu’en cas de défaillance des États signataires (122), lorsqu’ils ne peuvent rendre justice par leurs propres moyens et parmi les 8 Africains présentement déférés à la CPI, la moitié l’a été sur la demande de leur propre pays (Taylor, Bemba, Gbagbo…)

Si ce procédé de déferrement à la CPI sur demande  est pour certains États une façon de se débarrasser de prisonniers encombrants, en retour pour ces derniers, la CPI est garante d’une justice équitable et du respect des droits de la défense. En effet présentement l’avocat  du Libyen Abdallah Sanoussi chef des renseignements de Kadhafi demande un transfèrement de ce dernier devant la CPI. Car il sait pertinemment qu’en terre libyenne le procès ne sera tout sauf équitable, les dés seront pipés d’avance. D’ailleurs tous les détracteurs actuels de la Cour en pareille posture, préfèreraient et/ou feraient confiance plus à la justice de la CPI qu’à celle de leur propre pays.

Ces «  anti-CPI » ne clament pas l’innocence des présumés délinquants convoqués près la Cour. Mais invoque l’argument selon lequel la CPI ne convoque que les dirigeants africains ou bien la Cour est un « outil politique de l’Occident », « une sorte de chasse raciale »…. C’est le despote coupable qui désespérément pointe du doigt son pareil à l’autre bout du monde. Plaidoirie absurde et inopérante. Ces arguments de défense soulevaient par certains dirigeants frisent même le ridicule.

A la question de savoir pourquoi la CPI ne convoque que les dirigeants africains, la réponse est toute simple,  parce qu’ils sont les seuls à réprimer dans le sang une marche anodine de contestation d’une opposition politique, les seuls à être capables  de diriger une ethnie contre une autre pour qu’elles s’entretuent afin d’assouvir leurs macabres desseins politiques (Génocide), les seuls à ne jamais accepter de perdre des élections, les seuls à fomenter des coups d’Etat…. Arrêtez de s’acharner sur vos populations et la CPI s’arrêtera de s’acharner sur vous, c’est tout simple. Comme l’a si bien dit la procureure près la cour, Fatou Bensouda « Les vraies victimes sont les victimes de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité et de génocide, pas ceux qui commettent ces crimes. »

« Ce syndicat de chefs d’État », se sentant menacés depuis l’entame de la poursuite d’un chef d’Etat en exercice tente de faire bloc autour d’un de leurs adhérents poursuivis, simplement parce qu’ils sont maintenant conscients que le mandat de président de la République n’est pas gage d’impunité au regard de la justice internationale. Seulement ces convocations des présidents en exercice, comme une épée de Damoclès, pourraient motiver ceux-là à ne jamais quitter le pouvoir, comme ce sera éventuellement le cas pour Oumar El Béchir au Soudan.

Sans pourtant les désigner chacun individuellement, ce coup de gueule de ces  chefs d’État pointe du doigt George W. Bush, la politique répressive israélienne sur la population palestinienne, la Russie en Tchétchénie …et sur ce point, il y aurait une politique de deux poids deux mesures de la Cour. Simplement il y a un paradoxe, tous ces États  ont soutenu les États-Unis  dans leur  lutte de ce qui est appelé « l’axe du Mal », d’ailleurs le Kenya reste un allié privilégié des USA dans la région ; l’Éthiopie dont la voix du premier ministre et non moins président en exercice de l’Union africaine est la plus audible dans ce bras de fer avec la Cour. Elle entretient une très forte relation de consanguinité avec l’Israël, les autres ferment les yeux sur ce qui se passe en Tchétchénie , en Birmanie…

À l’exception des Tribunaux internationaux ad hoc qui se tiennent en Afrique sous l’égide de l’ONU, l’Afrique a montré ses limites en la matière et les exemples ne manquent pas. Le cas de Hussein Habré récemment arrêté et qui, depuis 1991 se l’a coulait douce dans le quartier le plus huppé de Dakar avec nous dit-on les milliards du contribuable tchadien . Malgré les demandes répétées et des victimes et de la Belgique et les coudées franches du Sénégal son procès tarde toujours à se tenir. Dadis Camara réfugié au Burkina Faso n’est pas inquiété…

Cette sortie maladroite de ces présidents africains aura pour effet positif, de jeter un regard sur les failles de compétence de la Cour  pénale internationale. En effet il serait plus judicieux d’attribuer une compétence universelle à la Cour, de pas la limiter aux seuls États signataires ce qui enlèverait au Conseil de sécurité de l’ONU son pouvoir d’enclencher une mise en accusation d’États non signataires; ensuite, d’enlever au Conseil de sécurité son pouvoir de suspension d’une poursuite en cours. En effet ce « parrainage » de la CPI, par le Conseil de sécurité entame à bien des égards sa crédibilité.

À toutes les victimes des despotes africains.

 

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